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mortelle qui s’en charge, de trembler dessous ne la blâmerait pas. Point n’est d’une petite barque la mer que va fendant la proue audacieuse, ni d’un rocher qui s’épargne soi-même.

« Pourquoi t’enamoure tant mon visage que tu ne te tournes point vers le beau jardin qui fleurit sous les rayons de Christ ? Là est la rose en qui le Verbe divin se fait chair ; et là sont les lis à l’odeur desquels se discerne le bon chemin. » Ainsi Béatrice : et moi, prompt à tous ses conseils, je ramenai au combat mes cils débiles [1]. Comme à un rayon de soleil traversant pur un nuage brisé, avaient vu jadis les fleurs d’une prairie mes yeux couverts d’ombres ; ainsi vis-je des foules de splendeurs fulgurées d’en haut par des rayons ardents, sans voir la source de ces éclairs.

O bénigne vertu qui ainsi les empreins [2], plus haut tu t’élevas pour que je pusse user là de mes yeux qui manquaient de puissance. Le nom de la belle fleur [3] que toujours j’invoque et le matin et le soir, concentra toute mon âme dans la recherche du feu le plus grand. Et lorsque mes deux yeux me révélèrent l’éclat et la grandeur de la vivante étoile, qui là-haut vainc comme ici-bas elle vainquit [4], par dedans le ciel descendit une flamme en forme de cercle, telle qu’une couronne, qui la ceignit tournant autour d’elle. La plus douce mélodie qui résonne ici-bas et à soi le plus attire l’âme, paraîtrait une nuée que déchire le tonnerre, comparée au son de cette Lyre [5] dont se couronnait le beau Saphir, de qui s’azure le ciel le plus brillant. « Je suis l’amour angélique, qui vole autour de la

  1. Au combat qu’ils avaient à soutenir contre la splendeur éblouissante.
  2. Jésus-Christ, dont les âmes bienheureuses réfléchissent les rayons. « Tu t’élevas plus haut, dit le Dante, pour que nos yeux, impuissants à soutenir ton éclat, puissent discerner dans une lumière moins vive ce qui leur apparaissait là. »
  3. Marie, laquelle est le plus brillant des feux restés là, après que le Christ s’est éloigné.
  4. « Qui surpasse en splendeur tous les bienheureux dans le ciel, comme elle les surpasse en vertus sur la terre. »
  5. Au chant de l’archange Gabriel, lequel, selon les interprètes, est cette flamme dont le Poète vient de décrire l’apparition.