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ses yeux étaient si pleins, que je dois passer sans plus de discours [1].

Telle que, dans les pleines lunes sereines, Trivia [2] brille entre les Nymphes éternelles [3] qui diaprent toutes les plages du ciel, je vis, au-dessus de milliers de lampes [4], un Soleil qui les allumait toutes, comme le nôtre allume celles que nous voyons au-dessus de nous [5]. Et à travers la vive lumière apparaissait la splendide substance, si brillante que ma vue ne la supportait point. O Béatrice, doux et cher guide ! Elle me dit : « Ce qui te vainc est une vertu à laquelle aucune ne résiste. Là est la sagesse et la puissance si longtemps désirées [6], qui ouvrirent la route entre la terre et le ciel. »

Comme le feu, pour se dilater, se dégage de la nue qui ne le peut contenir, et, contre sa nature, descend sur la terre ; ainsi mon esprit, agrandi au milieu de ces mets [7], sortit de soi-même, et ce qu’il devint, il ne sait le ramentevoir. « Ouvre les yeux, et regarde quelle je suis ; tu as vu des choses qui t’ont donné la force de soutenir mon éclat. »

J’étais comme celui en qui sont des traces d’une vision oubliée, et qui s’ingénie en vain pour la rappeler en sa mémoire, lorsque j’ouis cette invitation, digne de tant de gratitude, que jamais elle ne s’effacera du livre où le passé se consigne [8]. Si maintenant, pour m’aider, résonnaient toutes ces langues que Polymnie avec ses sœurs nourrirent de leur doux lait, au millième du vrai on n’arriverait pas, en chantant le saint ris, et combien lumineux il rendit le saint rivage.

Ainsi, peignant le Paradis, il convient que saute le religieux poème, comme un homme qui trouve son chemin coupé. Mais qui regarderait le poids du sujet, et l’épaule

  1. Parce que tout ce qu’il dirait serait insuffisant.
  2. Un des surnoms de Diane.
  3. Les étoiles.
  4. D’esprits bienheureux resplendissants de lumière.
  5. Les planètes.
  6. Jésus-Christ.
  7. Les délices du Paradis, qui sont la nourriture des esprits bienheureux.
  8. La mémoire.