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sous une peau cheminent deux bêtes. O patience qui tant supporte ! »

A cette voix je vis une multitude de petites flammes de degré en degré descendre et tournoyer, et chaque tour les rendait plus belles. Autour de celle-ci [1] elles vinrent et s’arrêtèrent, et poussèrent un cri si élevé que rien ici ne pourrait s’y comparer ; et point n’entendis-je les paroles, tant m’assourdit le tonnerre.


CHANT VINGT-DEUXIÈME


Oppressé de stupeur, je me tournai vers mon guide, comme un petit enfant qui toujours recourt à qui le plus il se confie : et elle, comme une mère empressée de secourir son fils pâle et haletant avec sa voix qui de coutume le rassure, me dit : « Ne sais-tu pas que tu es dans le ciel, et ne sais-tu pas que tout le ciel est saint, et que ce qui s’y fait vient d’un bon zèle ? Combien t’auraient bouleversé le chant et mon rayonnement [2], tu peux maintenant le comprendre, puisque le cri t’a tant ému. Si tu avais entendu les prières qu’il contenait, déjà te serait connue la vengeance que tu verras avant de mourir [3]. L’épée d’en haut ne paraît prompte ou lente à frapper, qu’à celui qui l’attend avec crainte ou désir. Mais tourne-toi à présent vers d’autres : beaucoup d’esprits illustres tu verras, si ta vue se porte où je dis. »

Comme il lui plut je dirigeai mes regards, et je vis cent petites sphères, plus belles toutes ensemble par leurs mutuels rayons. J’étais comme celui qui réprime l’aiguillon du désir, et point ne se hasarde à demander, tant il craint le trop : et la plus grande et la plus brillante de ces perles

  1. De saint Pierre Damien.
  2. Voyez ch. XXI.
  3. La vengeance que Dieu tirera des vices des prélats. Quelques-uns pensent que Dante fait ici allusion aux outrages que subit Boniface VIII à Anagni. — Voy. Purgat., ch. XX.