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Après que les précieuses et splendides gemmes dont je vis ornée la sixième lumière [1], eurent éteint dans le silence les sons angéliques. il me sembla ouïr le murmure d’un fleuve, qui, limpide, descend de pierre en pierre, montrant l’abondance de sa source : et comme au col de la cithare [2] le son prend sa forme, et comme aux trous du chalumeau le vent qui pénètre, ainsi sans retard ce murmure monta en haut de l’aigle par le cou, comme s’il eût été creux : il devint là une voix, et de là sortirent des paroles telles qu’en attendait le cœur où je les écrivis.

« La partie qui, dans les aigles mortels, voit et supporte le soleil, il faut à présent, me fut-il dit, regarder fixement en moi, parce que des feux dont je me fais cette figure, ceux dont l’œil scintille dans ma tête, sont du degré le plus élevé. Celui qui au milieu luit à travers la pupille, fut le chantre de l’Esprit-Saint, qui de ville en ville transporta l’arche : maintenant il connaît le mérite de son chant, autant qu’il procéda de son inspiration [3], par la récompense qui l’égale. Des cinq qui me font un cercle en guise de sourcil, le plus voisin de mon bec, de son fils consola la pauvre veuve [4] ; maintenant, par l’expérience de cette douce vie et de l’opposée [5], il connaît combien cher il en coûte de ne pas suivre le Christ. Et celui qui vient après, dans la circonférence dont je parle, en remontant l’arc, retarda la mort par une vraie pénitence [6]. Maintenant il connaît que point ne se change l’éternel jugement, parce qu’une digne prière là en bas d’aujourd’hui fait demain [7]. L’autre qui suit, avec les lois et avec moi, par une

  1. La sixième planète.
  2. Sur le manche où les doigts pressent les cordes, pour former les sons divers.
  3. De l’inspiration de l’Esprit saint. Ce vers est obscur, et les commentateurs l’interprètent de diverses manières. Dans quelques manuscrits, on lit affetto au lieu de effetto.
  4. Trajan, qui vengea la mort du fils de la veuve, comme Dante le raconte. — Purgat., ch. X.
  5. La vie de l’enfer, d’où le tirèrent, suivant la légende, les prières de saint Grégoire.
  6. Ezéchias,
  7. Parce qu’une digne prière obtient que ce qui avait été prédit pour aujourd’hui n’arrive que demain, le décret divin n’est pas changé, la prière elle-même et son effet ayant été prévus de Dieu, préordonnés par son éternel décret.