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de ce qu’ici l’on meurt pour vivre là-haut, ne voit pas quel y est le rafraîchissement de l’éternelle pluie. Cet un et deux et trois qui toujours vit, et règne toujours en trois et deux et un [1], non circonscrit et circonscrivant tout, trois fois était chanté par chacun de ces esprits, avec une telle mélodie qu’à tout mérite elle serait une pleine récompense. Et dans la plus divine lumière du Cercle le plus étroit [2], j’entendis une voix modeste, telle peut-être que fut celle de l’Ange à Marie, répondre : « Aussi longue que sera la fête du Paradis, aussi longtemps notre amour fera rayonner autour de soi un pareil vêtement. Son éclat suit l’ardeur, l’ardeur la vision, et celle-ci est égale à la grâce surajoutée à sa puissance. Lorsqu’elle aura revêtu la chair glorieuse et sainte, plus, étant complète, plaira notre personne ; ce pourquoi s’accroîtra ce que de gratuite lumière nous donne le souverain Bien, lumière qui nous rend aptes à le voir : d’où doit croître la vision, croître l’ardeur qu’elle allume, croître le rayon [3] qui de l’ardeur vient. Mais comme le charbon qui jette de la flamme, et en éclat la surpasse tellement que distinct il y apparaît : ainsi cette splendeur qui maintenant nous enveloppe, sera vaincue par l’éclat de la chair qu’aujourd’hui la terre recouvre : et point ne vous fatiguera cette éclatante lumière, parce que seront forts les organes du corps à tout ce qui pourra nous délecter. »

Tant me parurent animés et prompts l’un et l’autre chœur à dire Amen, que bien montrèrent-ils le désir des corps morts [4] ; peut-être non pour eux seuls, mais pour les mères, les pères, et les autres qui leur furent chers, avant qu’ils fussent des flammes éternelles [5]. Et voilà [6] qu’au-dessus de la lumière qui était là, en naît autour une autre de pareil éclat, à la manière d’un horizon qui s’éclaircit. Et comme, quand monte le premier soir [7], de nouveaux astres commencent

  1. La Trinité divine.
  2. Cette plus divine lumière est celle de Salomon, qui était dans le cercle le plus près de Dante, et par conséquent le plus étroit.
  3. La splendeur dont rayonnent les bienheureux.
  4. Le désir de recouvrer leurs corps.
  5. Avant qu’ils fussent devenus, dans le ciel, de pures substances éternellement lumineuses.
  6. Ici le poète peint son passage du Soleil dans Mars.
  7. A l’entrée du soir.