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CHANT NEUVIÈME


Après que ton Charles, belle Clémence [1], eut éclairci mes doutes, il me raconta les fourberies dont on userait contre ses descendants. Mais il dit : « Tais-toi, et laisse couler les ans ; » de sorte que rien ne puis dire, sinon que de justes pleurs suivront les torts à vous faits.

Déjà l’âme de cette lumière sainte s’était tournée vers le Soleil [2], qui la remplit, comme le bien qui suffit à tout remplir de soi. Hélas ! âmes trompées, folles et impies, qui de ce bien détournez le cœur, dirigeant vos regards sur les choses vaines ! Voilà qu’une autre de ces splendeurs s’approcha de moi, montrant, par l’éclat qui jaillissait d’elle, son envie de me complaire. Les yeux de Béatrice, fixés sur moi comme auparavant, me rendirent certain de son cher assentiment à ce que je souhaitais.

— « Ah ! satisfaites promptement mon désir, heureux esprit, dis-je, et donnez-moi la preuve qu’en vous peut se réfléchir ce que je pense. »

Sur quoi, la lumière qui m’était encore inconnue, des profondeurs où auparavant elle chantait, vint comme on vient à qui du bien l’on se plaît à faire. En cette partie de la perverse terre Italique, située entre Rialto et les sources de la Brenta et de la Piava, s’élève, non très haut, une colline d’où descendit jadis une flammèche [3], qui grandement ravagea la contrée. D’une même racine [4] elle et moi nous naquîmes : on m’appelait Cunizza, et ici je resplendis, parce que me vainquit la lumière de cette étoile [5]. Mais joyeusement

  1. Fille de Charles Martel et femme de Louis X, roi de France, laquelle vivait encore lorsque Dante écrivit ces vers.
  2. Vers Dieu.
  3. Le tyran Ezzelin III, de la famille des Onora, comtes de Bassano.
  4. Du même père qui fut Ezzelin II, surnommé le Moine.
  5. « Parce que me vainquit l’influence de Vénus, mon séjour est dans cette planète. »