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ailes sacrées[1], il gouverna le monde, passant de main en main, et ainsi il parvint dans les miennes. César je fus, et je suis Justinien[2], qui, par le vouloir du premier Amour, dont je jouis, ôtai des lois le trop et l’inutile[3]. Et avant qu’à cette œuvre je m’appliquasse, je croyais que dans le Christ était une seule nature, et de cette foi je me contentais. Mais le benoît Agapit, qui fut Pasteur suprême, à la foi pure me ramena par ses paroles.

« Je le crus ; et ce qu’il disait, maintenant je le vois clairement, comme tu vois que toute contradiction implique le faux et le vrai[4]. Dès qu’avec l’Église je m’approchai de Dieu, par grâce il lui plut de m’inspirer le haut travail[5] ; et tout entier je m’y adonnai ; et à mon Bélisaire je confiai les armes que tellement seconda la puissance du ciel, que ce me fut un signe de me tenir en repos[6].

« A la première question satisfait ma réponse ; mais le sujet m’oblige d’y ajouter quelque chose encore, afin que tu voies avec combien peu de raison s’élève contre le signe sacro-saint[7], et qui se l’approprie, et qui à lui s’oppose. Vois combien de hauts faits l’ont rendu digne de révérence, depuis l’heure où Pallante[8] mourut pour en fonder le règne. Tu sais que d’Albe il fit sa demeure pendant trois cents ans, jusqu’au moment où pour lui encore trois contre trois combattirent[9]. Tu sais ce que, depuis le rapt des Sabines jusqu’à la douleur de Lucrèce, il fit sous sept rois, vainquant

  1. Expression empruntée au psaume 16 : Sub umbrâ alarum tuarum.
  2. « Vivant j’étais empereur, ici je suis seulement Justinien. »
  3. Retranchant des lois ce qu'elles contenaient de superflu, Justinien les coordonna d’une manière plus nette, et plus précise dans les Pandectes.
  4. « Comme tu vois que, de deux propositions contradictoires, l’une ne peut être fausse que l’autre ne soit vraie. »
  5. La révision des lois, dont il a parlé plus haut.
  6. De laisser à d’autres les soins de la guerre et le commandement des armées.
  7. L’Aigle impérial.
  8. Envoyé, par son père Evandre, au secours d’Énée, premier fondateur de la puissance romaine, Pallante mourut en combattant contre Turnus.
  9. Les trois Horaces contre les trois Curiaces.