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« O bien né, à qui la grâce accorde de voir, avant de quitter la milice, les trônes des triomphes éternels, de la lumière qui par tout le ciel s’épand, nous reluisons ; si donc tu désires t’enquérir de nous, à ton plaisir rassasie-toi. »

Ainsi me fut-il dit par un de ces pieux esprits ; et Béatrice : « Parle, parle avec confiance, et crois comme à des Dieux. » — Je vois bien que tu habites dans ta propre lumière, et que par tes yeux tu l’émets, car elle éclate selon qu’au dedans de toi elle est vive. Mais je ne sais qui tu es, ni pourquoi, âme digne, tu occupes le degré de la sphère, qui se voile aux mortels avec les rayons d’un autre [1]. Cela dis-je à la lumière qui auparavant m’avait parlé ; sur quoi elle se fit beaucoup plus lumineuse qu’elle n’était d’abord.

Comme le Soleil qui se cache lui-même par trop de lumière, quand la chaleur a dévoré les épaisses vapeurs qui la tempéraient, par plus d’allégresse, à moi, se cacha dans son rayonnement la figure sainte, et ainsi toute couverte elle me répondit de la manière que chante le chant suivant.



CHANT SIXIÈME


« Après que Constantin eut tourné l’Aigle contre le cours du ciel, qui l’accompagna derrière l’antique héros qui enleva Lavinie [2], cent et cent années, et plus, l’oiseau de Dieu s’arrêta à l’autre extrémité de l’Europe, près des monts d’où premièrement il était sorti, et là, sous l’ombre de ses

  1. Mercure, plongé dans les rayons du soleil, dont l’éclat le dérobe aux regards.
  2. En transportant le siège de l’empire à Byzance, situé à l’orient de Rome, Constantin tourna l’Aigle contre le cours du ciel, dont le mouvement apparent s’accomplit d’orient en occident. Le ciel, au contraire, accompagnait l’Aigle derrière Énée, lorsque, partant de la Troade, il vint en Italie, où il fonda le royaume, devenu ensuite l’Empire romain.