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l’homme peut satisfaire aux vœux rompus par d’autres bonnes œuvres, qui dans votre balance ne soient pas trop légères.

Béatrice me regarda avec des yeux étincelants d’amour, des yeux si divins, que ma force vaincue ploya, et je demeurai les yeux baissés, comme hors de moi.


CHANT CINQUIÈME


« Si je flamboie dans le feu d’amour, au delà de ce qui se voit sur la terre, tant que de tes yeux je vainque la force, ne t’en étonne point : cela procède de la parfaite vision, qui fait qu’à mesure qu’on le perçoit, on se porte vers le bien perçu. Je vois comment déjà resplendit dans ton intelligence l’éternelle lumière, dont la vue allume seul un perpétuel amour : et si autre chose séduit le vôtre, ce n’est que par quelque confuse trace d’elle qui reluit à travers. Tu veux savoir si, pour un vœu rompu, on peut par quelque autre œuvre rendre assez, pour que l’âme soit à l’abri du litige. »

Ainsi Béatrice commença ce chant ; et comme un homme qui ne brise point son parler, elle continua de la sorte son saint discours :

« De tous les dons que Dieu, en créant, fit dans sa largesse, le plus conforme à sa bonté, et celui qu’il prise le plus, fut la volonté libre, dont les créatures intelligentes, toutes et seules, furent et sont douées. Si de là tu argumentes, tu comprendras la haute valeur du vœu, s’il est fait de manière que Dieu consente, lorsque tu consens ; puisque, quand se conclut ce pacte entre Dieu et l’homme, de ce trésor dont je parle se fait une victime, et elle se fait par son propre acte [1]. Donc, que peut-on rendre en compensation ? Si tu crois bien user de ce que tu as offert, tu veux

  1. La volonté se sacrifie par un acte de la volonté même.