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Si ces brèves paroles, enveloppées d’un sourire, me délivrèrent du premier doute, dans un autre je fus encore plus enlacé ; et je dis : — Satisfait désormais suis-je, et soulagé d’un grand étonnement ; mais à présent je m’étonne comment je m’élève au-dessus de ces corps légers. — Sur quoi, après un pieux soupir, elle tourna vers moi les yeux, telle de visage qu’une mère qui regarde son fils en délire. Et commença : « Toutes choses sont ordonnées entre elles, et cet ordre est la forme qui rend l’univers semblable à Dieu. Ici les hautes créatures [1] contemplent la trace de l’éternelle Puissance, qui est la fin de ce qu’ainsi elle a réglé. Dans l’ordre dont je parle, toutes les natures ont leur inclination, plus ou moins, selon leurs genres divers, rapprochées de leur principe : d’où vient qu’elles voguent vers divers ports à travers la grande mer de l’Etre, emportées chacune par l’instinct qu’elle a reçu : celui-ci emporte le feu vers la lune ; celui-ci meut les cœurs mortels ; celui-ci condense et unit en une masse la terre. Et les flèches de cet arc n’atteignent pas seulement les créatures privées d’intelligence, mais celles aussi douées d’intelligence et d’amour. La Providence ordonnatrice de ce vaste tout, par l’effusion de sa lumière maintient perpétuellement en paix le ciel où tourne le Cercle le plus rapide [2] ; et là maintenant nous porte, comme au séjour prédestiné, la puissance de cette corde, qui dirige ce qu’elle décoche vers un heureux but. Il est vrai que, comme souvent la forme ne s’accorde point avec l’intention de l’art, parce que la matière refuse de s’y prêter, ainsi de cette direction s’écarte parfois la créature, qui, poussée de la sorte, a le pouvoir de se ployer d’autre part, et (comme on peut voir le feu tomber de la nue) tombe, si vers la terre l’impulsion première est détournée par un faux plaisir. Tu ne dois donc pas, si bien je juge, plus t’étonner de monter, que de ce qu’un ruisseau descend du haut d’un mont. Même merveille serait-ce, si, dégagé de tout empêchement,

  1. Les intelligences célestes.
  2. Ce que les anciens appelaient le premier Mobile, c’est-à-dire, le plus élevé des cercles concentriques dont ils croyaient l’univers formé, et par conséquent celui dont la vitesse, dans le mouvement commun de tous ces cercles, était la plus grande.