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LE PARADIS




CHANT PREMIER


Gloire à Celui qui meut tout, qui pénètre l’univers, et resplendit plus en une partie, et ailleurs moins[1].

Dans le ciel qui le plus reçoit de sa lumière, je fus, et je vis des choses que ne peut redire celui qui descend de là-haut : parce qu’en s’approchant de l’objet de son désir, tant s’y enfonce notre intelligence, que la mémoire ne peut en arrière retourner si loin. Cependant tout ce qu’en moi j’ai pu thésauriser de souvenirs du royaume saint, sera maintenant le sujet de mon chant.

O bon Apollon, fais, en ce dernier travail, que de ta vertu je sois rempli, autant que tu le demandes pour donner le laurier aimé de toi[2]. Jusqu’ici ce me fut assez d’un sommet du Parnasse ; mais des deux[3] j’ai besoin pour entrer dans la nouvelle carrière. Viens dans ma poitrine, souffle en elle, comme lorsque tu tiras Marsyas de la gaîne de ses membres[4]. O divine vertu, si tant tu te donnes à moi, que je

  1. Selon la pensée de Dante, à mesure que les Cieux, — les orbes célestes, — s’éloignent du Ciel le plus élevé ou du Ciel Empyrée, ils participent moins abondamment, à la splendeur divine, qui les éclaire tous à divers degrés.
  2. A cause de son amour pour Daphné, qui fut métamorphosée en laurier.
  3. Les deux sommets du Parnasse, ce sont les deux ordres de divinités qui l’habitent. Jusqu’ici le secours des Muses a suffi au poète, maintenant il a besoin de celui d’Apollon lui-même.
  4. Fier de son habileté sur la flûte, Marsyas, ayant osé défier Apollon, fut vaincu par le Dieu, qui, pour le punir de sa présomption, l’écorcha vivant.