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retournée, et s’en allait ayant en face les sept flammes [1] et le soleil.

Comme sous les boucliers pour se sauver une bande tourne le dos, et sur soi volte avec l’étendard, avant que tout ordre ait pu se changer, cette milice du céleste royaume, qui précédait, défila toute, avant que le timon ployât le char [2]. Puis, près des roues, se replacèrent les Dames, et le Griffon mut le char béni, de manière cependant que pas une penne ne s’agita.

La belle Dame qui m’avait tiré au passage [3], et Stace et moi, nous suivions la roue qui trace son ornière dans un arc plus étroit. Ainsi traversant la haute forêt, vide par la faute de celle qui crut le serpent, un chant angélique réglait le pas. Peut-être avions-nous parcouru trois fois l’espace d’un trait de flèche, lorsque Béatrice descendit. Je les ouïs tous murmurer : « Adam ! » puis ils entourèrent un arbre dépouillé de fleurs et de feuillage en tous ses rameaux. Sa chevelure, qui s’étend d’autant plus que plus elle s’élève, serait par sa hauteur admirée des Indiens dans leurs forêts. « Heureux es-tu, Griffon, que point de cet arbre ton bec ne détache le fruit doux au goût ; car ensuite tristement se tord le ventre. » Ainsi autour de l’arbre robuste crièrent tous les autres ; et l’animal biforme : « Par là se conserve la semence de tout juste [4]. » Et se tournant vers le timon qu’il avait tiré [5], il amena le char au pied de l’arbre veuf, il l’y laissa lié [6] avec un de ses rameaux.

Comme nos plantes, lorsque dessus tombe la grande lumière

  1. Les sept Chandeliers.
  2. C’est-à-dire : l’inclinât en une direction différente.
  3. A l’aide de qui j’avais passé le fleuve Léthé.
  4. Selon d’autres, la semence de tout ce qui est juste.
  5. Il se tourna, la tête vers le timon, tandis qu’en tirant le char il était dans la position contraire.
  6. Suivant une autre interprétation, laissé lié à lui ce qui était de lui. Ce que l’on explique en disant que l’arbre veuf est la Rome païenne soumise au seul pouvoir des Empereurs, et que le Griffon est Jésus-Christ qui, en instituant le pouvoir spirituel des Pontifes romains, lie au pouvoir temporel ce nouveau pouvoir « qui dérive de lui. »