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Je me tournai, plein d’admiration, vers le bon Virgile ; et il me répondit par un regard non moins plein de stupeur. Puis je reportai mes yeux sur ces choses splendides, qui vers nous se mouvaient si lentement, que les eussent vaincues des épouses nouvelles [1].

La Dame me gourmanda : « Pourquoi t’enflammes-tu ainsi à l’aspect des vives lumières, et ce qui vient derrière elles ne regardes-tu point ? » Alors, les suivant comme leurs guides, je vis venir des gens vêtus de blanc ; et ici jamais ne fut de blancheur aussi éclatante. L’eau brillait à gauche, et quand je la regardais, elle me renvoyait, comme un miroir, mon image senestre.

Lorsque je fus sur ma rive en un endroit où je n’étais plus distant que de la largeur du fleuve, je suspendis mes pas pour mieux voir : et je vis les petites flammes, semblables à des banderoles flottantes, aller devant, laissant, derrière, l’air coloré, de sorte qu’au-dessus il présentait sept bandes distinctes, toutes de ces couleurs dont le Soleil fait son arc, et Délia, sa ceinture.

Ces étendards se prolongeaient en arrière, au delà de ma vue, et, à mon jugement, ceux d’en dehors étaient l’un de l’autre distants de dix pas.

Sous ce beau ciel que je décris, venaient deux à deux, vingt-quatre vieillards couronnée de lis. Tous chantaient : « Bénie sois-tu entre les filles d’Adam ! et que bénies éternellement soient tes beautés ! »

Lorsque les fleurs et les autres fraîches herbes, qui devant moi ornaient l’autre rive, cessèrent d’être foulées par ces élus, comme dans le ciel une lumière suit une autre lumière, vinrent après eux quatre animaux couronnés de vert feuillage. Chacun d’eux avait six ailes, dont les plumes étaient pleines d’yeux ; et tels, s’il vivait, seraient les yeux d’Argus. A décrire leurs formes, plus, lecteur, ne dépenserai-je de rimes : car tant me presse une autre dépense, qu’en celle-ci je ne puis être prodigue. Mais lis Ezéchiel, qui les dépeint comme il les vit venir de la froide région, avec le vent, avec la nuée et avec le feu : et tels

  1. Que moins lentement vont les épouses nouvelles, lorsque se séparant de leur père et de leur mère, elles se rendent à la maison de leur époux.