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entendus sur le mont. Selon que nous affligent les désirs, ou les autres affections, l’âme se figure [1] ; et ceci est la cause de ce qui t’étonne. »

Déjà nous étions arrivés là où le mont s’infléchit une dernière fois [2] ; et nous avions tourné à main droite, et un autre souci nous préoccupait. Là le bord [3] lance des flammes, et de la corniche s’élève un vent qui les repousse, et les éloigne d’elle. Par quoi, il nous fallait aller le long du côté ouvert, un à un ; et d’ici je craignais le feu, de là je craignais de tomber.

Mon Guide disait : — En cet endroit il faut tenir aux yeux le frein serré, car l’erreur serait facile. « Summae Deus clementiae [4], » au sein de cette grande ardeur j’ouïs alors chanter ; ce qui me donna un désir non moindre de me tourner. Et je vis dans la flamme des esprits qui allaient et je regardais à leurs pas et aux miens, partageant la vue tour à tour entre l’un et l’autre.

Cette hymne finie, à haute voix ils criaient : « Virum non cognosco [5] ; » puis à voix basse ils recommençaient l’hymne. Et de nouveau l’ayant finie, ils criaient : « Diane se tint dans le bois, et elle en chassa Elice, qui avait senti le poison de Vénus [6] » Puis ils reprenaient le chant ; puis ils célébraient les femmes et les époux qui furent chastes, comme le commandent la vertu et le mariage. Et je crois qu’ainsi faire leur suffit, pendant tout le temps que le feu les brûle. Par un tel soin et par une telle pâture il convient que la dernière plaie se ferme.

  1. Prend une figure conforme au sentiment dont elle est affectée.
  2. Au septième et dernier cercle, celui des Luxurieux.
  3. La paroi du mont.
  4. Dieu de suprême clémence. — Commencement de l’hymne des matines du samedi.
  5. Je ne connais point d’homme. — Paroles de la Vierge à l’Ange qui lui annonce qu’un fils naîtra d’elle.
  6. Calixte, selon la Fable, était devenue grosse, Diane la chassa du bois où elle resta elle-même, c’est-à-dire où elle continua de vivre dans la chasteté. Junon, jalouse de cette nymphe, la changea en ourse, et Jupiter, par qui elle avait senti le poison de Vénus, la transporta au ciel, où elle devint la constellation de la Grande-Ourse, que les Grecs appelaient Elice.