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qui coulent de l’éternelle fontaine. Je n’ai point demandé : « Qu’as-tu ? » par ce qui fait que demande celui qui regarde seulement avec l’œil qui ne voit pas quand le corps gît inanimé [1]. Mais j’ai demandé, pour donner de la force à ton pied. Ainsi faut-il exciter les paresseux, lents à user de la veille lorsqu’elle revient. »

C’était le soir, et nous allions, regardant tout, tant que la vue pouvait s’étendre, à l’encontre des rayons tardifs [2] et brillants, quand, peu à peu, voici venir vers nous une fumée obscure comme la nuit, et nul endroit pour s’en abriter : elle nous priva des yeux et de l’air pur.


CHANT SEIZIÈME


Les ténèbres de l’Enfer et d’une nuit sans planètes, sous un ciel pauvre [3], obscurci, autant qu’il se peut, par des nuages, n’étendirent jamais sur ma face un voile aussi épais, que le fit cette fumée qui là nous couvrit [4].

Elle ne permettait pas que l’œil restât ouvert, ce qu’avisant, ma fidèle Escorte s’approcha de moi et m’offrit son épaule.

Comme va l’aveugle derrière son conducteur, pour ne pas s’égarer, et ne se pas heurter contre quelque chose qui le blesse, ou peut-être le tue, à travers l’air acre et souillé, je m’en allais, écoutant mon Guide, qui disait seulement : « Prends garde à ne te point séparer de moi. »

  1. « Celui qui ne lit pas dans la pensée, mais voit seulement avec l’œil de chair. »
  2. Il appelle tardifs les rayons du soleil couchant, parce qu’ils viennent les derniers.
  3. Sans étoiles.
  4. Il sont entrés dans le troisième cercle, où est punie la colère, et la fumée indique le caractère de cette passion, qui est d’être aveugle.