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qui par charité eut pitié de moi. Mais toi, qui es-tu, qui t’en vas en t’enquérant de notre état, ayant, comme je le crois, les yeux ouverts, et qui, vivant, discours ? » — Mes yeux, dis-je, seront aussi fermés ici, mais peu de temps, parce que peu par eux j’ai péché en les tournant avec envie. Mais beaucoup plus mon âme inquiète craint le tourment d’au-dessous [1] : je sens déjà sur moi peser le fardeau d’en bas. Et elle à moi : « Qui donc t’a conduit ici-haut parmi nous, si tu crois redescendre ? » Et moi : — Celui qui est avec moi et qui se tait. Je suis vivant, et ainsi requiers-moi, esprit élu, si tu veux que pour toi, là d’où je viens, je meuve encore mes pieds mortels. « Ceci à ouïr est chose si nouvelle, répondit-elle, que grand signe est-ce que Dieu t’aime : lors donc aide-moi de tes prières. Et, je te le demande par ce que le plus tu désires, si jamais tu foules la terre de Toscane [2], rétablis-moi dans le souvenir des miens. Tu les verras parmi ce peuple vain, qui espère en Talamone, et y perdra plus d’espérance qu’à chercher la Diane [3] ; mais il en coûtera plus cher aux amiraux [4]. »


CHANT QUATORZIÈME


« Qui est celui-là qui parcourt les cercles de notre mont, avant que la mort lui ait donné le vol [5], et qui ouvre et ferme

  1. Du cercle inférieur où sont punis les Orgueilleux.
  2. Les Florentins, ayant acquis le château et le port de Talamone, se flattaient de devenir par là puissants sur mer.
  3. On disait que les Siennois, s’étant imaginé que sous leur ville passait une rivière nommée la Diane, firent d’énormes dépenses pour la trouver.
  4. Les capitaines des vaisseaux florentins qui périrent par l’effet de l’air pernicieux de la Maremme.
  5. Terme de fauconnerie. « Donner le vol à l’oiseau, » c’est le lâcher pour qu’il prenne son essor.