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Si là toujours pour notre bien l’on prie, que ne peuvent ici pour le leur les prières et les œuvres de ceux dont le vouloir a une bonne racine [1] ? Bien les doit-on aider à laver les taches qu’ils apportèrent d’ici, afin que, purs et légers, ils puissent monter aux cercles étoilés.

« Que la justice et la pitié bientôt vous soulagent, de sorte que vous puissiez mouvoir l’aile qui, selon votre désir, vous élèvera ! Montrez-nous de quel côté est le plus court chemin pour aller aux degrés ; et s’il est plus d’un passage, enseignez-nous celui dont la pente est le moins rapide : car celui qui vient avec moi, à cause du poids de la chair d’Adam dont il est revêtu, est lent à monter, contre son vouloir. »

Les paroles qui répondirent à celles de celui que je suivais [2], de qui elles venaient point ne discernait-on. Mais il fut dit : « A main droite, par la rampe, avec nous venez, et vous trouverez le passage par où peut monter une personne vivante. Et si je n’en étais empêché par la pierre qui courbe ma tête superbe et me force de baisser le visage, celui qui vit encore et qui ne se nomme point, regarderais-je, pour voir si je le connais, et pour que cette charge excitât sa pitié. Je suis Latin [3], et fils d’un grand Toscan : Guillaume Aldobrandeschi fut mon père. Je ne sais si son nom vint jamais à vous. L’antique sang et les belles actions de mes ancêtres si arrogant me rendirent, que, ne pensant point à la commune mère, j’eus tant à mépris tous les hommes, que j’en mourus, comme tous les Siennois le savent, et le sait toute gent à Campagnatico.

« Je suis Omberto ; et non pas moi seulement perdit l’orgueil, mais il a entraîné tous les miens dans la ruine ; à cause de cet orgueil il faut que je porte ce poids, jusqu’à ce qu’ici, parmi les morts, puisque je ne le fis point parmi les vivants, j’aie satisfait à Dieu. »

Pour écouter, je baissai la tête ; et l’un d’eux, non celui

  1. C’est-à-dire : qui sont dans la grâce de Dieu.
  2. « De Virgile, derrière qui je marchais. »
  3. Umberto, fils de Guillaume Aldobrandeschi, des comtes de Santa-Fiore, famille puissante de la Maremme de Sienne. Il fut tué à Campagnatico par les Siennois qui le haïssaient, à cause de son orgueil.