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fuyait ; de sorte que, dans le lointain, je distinguai le frémissement de la mer.

Nous allions par la plaine solitaire, comme un homme qui revient cherchant la route perdue, hors de laquelle il lui semble marcher en vain.

Quand nous fûmes là où la rosée combat avec le soleil, en un lieu ombragé où peu elle s’évapore, doucement sur l’herbette mon Maître étendit les deux mains ; sur quoi jugeant de son dessein, je lui présentai les joues en pleurant, et il reparut à découvert la couleur que sur moi l’enfer avait cachée.

Après nous vînmes au rivage désert, qui ne vit jamais sur ses eaux naviguer homme qui ensuite retournât sur la terre. Là, il me ceignit comme il plut à autrui [1]. O merveille ! telle qu’il l’avait cueillie, telle aussitôt renaquit l’humble plante, d’où il l’avait arrachée.


CHANT DEUXIÈME


Déjà le soleil était arrivé à l’horizon dont le cercle méridien, à son point le plus élevé, couvre Jérusalem [2] ; et la nuit, qui parcourt le cercle opposé, sortait du Gange avec les Balances, qui tombent de sa main [3], lorsqu’elle s’allonge

  1. Comme l’avait ordonné Caton.
  2. Le mont du Purgatoire étant, comme le suppose Dante, l’antipode de Jérusalem, ils ont tous deux le même horizon, avec cette différence que l’horizon oriental de l’un est l’horizon occidental de l’autre. Quand donc le soleil se couche à Jérusalem, il se lève sur le mont du Purgatoire. De plus, la nuit qui parcourt l’hémicercle opposé à celui du jour, arrive comme lui de l’Orient, sortant du Gange, selon l’expression du Poète, c’est-à-dire de l’Inde, située à l’orient de Jérusalem.
  3. La Nuit tient au-dessus de sa route ténébreuse le signe de la Balance, pendant que les nuits s’accourcissent, ou du solstice d’hiver au solstice d’été ; mais, quand les nuits s’allongent, du solstice d’été au solstice d’hiver, les Balances tombent de sa main ; en d’autres termes, elle accomplit son cours sous un autre signe.