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LE PURGATOIRE




CHANT PREMIER


Pour voguer sur une onde meilleure, maintenant la nacelle de mon esprit déploie ses voiles, laissant derrière une mer si cruelle ; et je chanterai ce second royaume où l’âme humaine se purifie, et devient digne de monter au ciel. Mais qu’ici renaisse la poésie morte[1], ô Muses saintes ! puisque je suis à vous, et qu’ici un peu se lève Calliope, accompagnant mon chant de ces sons qui tellement frappèrent les filles de Piérius[2], qu’elles désespérèrent du pardon.

Une douce teinte de saphir oriental qui, jusqu’au premier cercle[3], menaçait l’aspect serein de l’air pur, rendit à mes yeux le plaisir, dès que je fus hors de la morte atmosphère, qui m’avait contristé la vue et le cœur.

La belle planète[4] qui invite à aimer, voilait les Poissons qui la suivaient[5], et, par elle animé, tout l’Orient souriait.

  1. La poésie de la mort.
  2. Les filles de Piérius, de Pella, ville de Macédoine, ayant provoqué les Muses au combat du chant, furent vaincues et changées en pies.
  3. Jusqu’au cercle le plus élevé du Ciel, ou le cercle des Étoiles.
  4. Venus.
  5. Le Soleil étant dans le Bélier, situé derrière le signe des Poissons, ceux-ci étaient voilés par la lumière de Vénus, qui précédait un peu le Soleil.