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pieds s’élance vers l’un des coupables, et s’attache tout entier à lui.

D’un triple effort, il lui serre en avant les bras, les flancs et les genoux ; lui ramène en arrière sa queue autour des reins, et, le pressant ici face à face, lui creuse d’une seule morsure et l’une et l’autre joue.

Le lierre chevelu se lie moins étroitement à l’arbre que l’affreux reptile à cet infortuné ; ils se fondent ensemble comme la cire amollie, et mêlent si bien leurs couleurs qu’on ne distingue déjà plus l’un de l’autre : c’est ainsi qu’à l’aspect des flammes, le papier se colore d’une sombre rougeur, où le blanc et le noir se confondent.

Les deux ombres, qui les contemplaient ainsi, s’écrièrent avec effroi :

— Angel, comme tu changes ! Voilà que tu n’es plus ni homme ni serpent [5].

Et déjà les deux têtes n’en formaient qu’une, où dans un seul visage paraissait le confus mélange de deux figures : les bras, la poitrine et les jambes se perdirent dans un assemblage que l’œil n’a jamais vu : plus de traits primitifs : être simple et double à la fois, le fantôme pervers marchait et s’éloignait de nous à pas lents.

Cependant, comme on voit sous l’ardente canicule le lézard désertant ses buissons, fuir en éclair à travers les sentiers ; tel parut, s’échappant vers les deux autres coupables,