Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs têtes, ainsi qu’on en voit sur les dortoirs de Cologne ; mais le raide contour et les plis immobiles de celles-ci reluisaient d’or à leur surface, et cachaient au dedans une épaisse doublure de plomb, si vaste et si lourde, qu’au prix d’elle la chape de Frédéric eût semblé de la paille légère [3]. Ô manteaux accablants d’éternelle durée ! ces ombres malheureuses suivaient, en pleurant, les détours de la noire enceinte, et paraissaient vaincues de fatigue et de lassitude.

J’observais leur abattement profond en marchant à leurs côtés dans la vallée obscure ; mais elles se traînaient avec tant de peine sous le poids de leur vêtement, que je les devançais toujours, et chaque pas me portait vers de nouveaux coupables. Je dis alors à mon guide :

— Daignez voir parmi ces ombres s’il en est une dont la vie ait mérité le regard des hommes.

Et aussitôt un des réprouvés qui venait après nous, reconnut le parler toscan, et s’écria :

— Ô vous deux qui fendez si légèrement l’épaisse nuit, arrêtez ; c’est de moi peut-être que l’un apprendra ce qu’il demande à l’autre.

Le maître se tournant à ces mots :

— Attends ce malheureux, me dit-il, et songe à ralentir ta marche, pour qu’il puisse te suivre.