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est de tenailler et de déchirer ton corps sans relâche, apprends-nous s’il est ici quelque âme d’Italie, et puissent, dans ce travail, tes mains désespérées ne pas tomber de lassitude !

— Nous en fûmes tous deux, répondit-il en pleurant, nous que tu vois sous cette lèpre horrible. Mais toi, qui es-tu pour nous interroger ainsi ?

— Je passe, reprit mon guide, et je descends de cercle en cercle pour montrer les Enfers à cet homme vivant.

À ce mot, les deux lépreux et tous ceux qui l’entendirent, troublés de surprise, s’écartèrent l’un de l’autre et se tournèrent vers moi pour me considérer.

— C’est à toi maintenant de les entretenir, me dit le sage.

Et moi, prenant la parole :

— S’il est vrai, leur criai-je, que votre mémoire n’ait point échappé au souvenir des hommes, ne refusez pas de nous dire qui vous êtes, et que la honte du supplice n’enchaîne pas vos langues.

— Je fus d’Arezzo, répondit le premier, et c’est Albert de Sienne qui causa ma mort [5]. Je feignis un jour de lui dire que je pourrais m’élever et voler dans les airs : ce jeune insensé désira mon secret ; et parce que je ne pus le changer en Dédale, il m’accusa devant celui qui se croyait son père, et je fus conduit