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amour qui les enchaîne, et elles viendront à toi.

Sitôt que le tourbillon les porta vers nous :

— Âmes désolées ! m’écriai-je, accourez à ma prière, si le ciel ne la rejette pas.

Telles que deux colombes qu’un amour égal ramène aux cris impatients de leur tendre famille, ainsi les deux ombres, traversant la nuit orageuse, volèrent aux sons de ma voix.

— Être pitoyable et bienfaisant, dirent-elles, qui viens visiter ces noirs royaumes, puisque nos maux ont pu t’attendrir, si le ciel n’était à jamais sourd à nos voeux, nous élèverions pour toi nos supplications jusqu’à lui, du centre de cette terre où notre sang fume encore ; mais parle, ou daigne nous écouter, et nous répondrons à tes désirs, tandis que la tempête ne mugit plus autour de nous [5]… Pour moi, j’ai vu le jour près des bords où le Pô vient reposer son onde au sein des mers [6]. L’amour, qui porte des coups si sûrs aux cœurs sensibles, blessa cet infortuné [7] par des charmes qu’une mort trop cruelle m’a ravis ; et cet amour, que ne brave pas longtemps un cœur aimé, m’attacha à mon amant d’un lien si durable, que la mort, comme tu vois, n’en a pas rompu l’étreinte. Enfin c’est dans les embrassements de l’amour qu’un même trépas nous a surpris tous deux :