Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Maître, dis-je alors, daignez m’apprendre quels sont ces infortunés à jamais battus de la noire tourmente.

— La première des âmes que tu veux connaître, me dit-il, est cette reine fameuse, qui unit au même joug tant de peuples divers ; elle se plongea tout entière dans la volupté ; et, pour étouffer la voix du blâme, elle osa donner aux fougueux désirs du cœur la sanction des lois : c’est Sémiramis, veuve de Ninus, qui gouverna après lui les États qui tremblent aujourd’hui sous les califes. Celle qui la suit coupa la trame amoureuse de sa vie, après avoir rompu la foi jurée aux cendres de Sichée [3]. Vois à présent la voluptueuse Cléopâtre ; Hélène, par qui s’écoulèrent des temps si cruels ; l’invulnérable Achille, à qui l’amour ouvrit enfin les portes du trépas. Vois, ajouta-t-il en les désignant de la main, vois Pâris, Tristan [4] et tant d’autres encore, dont cette passion fatale hâta la dernière heure.

Pendant que mon guide rappelait ainsi les noms des femmes et des héros antiques, mes yeux se voilaient de tristesse, et je sentais mon coeur se fondre de pitié.

— Ô poëte ! disais-je, je voudrais bien entretenir ces deux ombres qui, dans leur rapide vol, semblent inséparables.

— Quand elles seront plus près de nous, me répondit-il, appelle-les au nom de cet