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d’une main arrondir la voûte des Cieux et creuser les Enfers de l’autre. Il faut admirer ces formes de style : c’est moi qui vis tomber ; c’est moi qui vois passer ; c’est par moi qu’on arrive. Il faut s’arrêter à la belle attitude de cette porte qui voit par une de ses faces la naissance du temps, et l’éternité par l’autre. Il faut enfin se pénétrer de la dernière pensée qui invite l’homme à laisser l’espérance, elle qui ne nous quitte ni à la vie ni à la mort ! On sait comment Milton s’est approprié ce grand trait.

[2] Il règne dans cette tirade une grande beauté d’harmonie initiative ; l’aria senza tempo tinat ressemble beaucoup au loca senta situ de Virgile. À propos de l’aer senza stelle, on peut faire une observation sur ces mystères qu’on appelle caprices de langue, sur ces rapports secrets qui font que les mots s’attirent ou se repoussent entre eux. Le poëte dit un air sans étoiles ce qui n’a point de physionomie : parce que, les idées d’air et d’étoiles ne formant pas une association dans notre esprit, on ne gagne rien à les séparer : le mot air a plus de rapport avec le jour, puisqu’il en réveille d’abord le souvenir. Un ciel sans étoiles, n’aurait point été non plus une expression assez mélancolique, parce que la liaison entre les étoiles et le ciel n’est pas encore assez étroite, et que le seul mot ciel est trop voisin de la sérénité du jour. Enfin une nuit sans étoiles produit de l’effet, parce qu’il existe une telle association entre la nuit et les étoiles qu’on ne peut nommer l’une sans réveiller l’idée des autres, ni les séparer sans donner un contrecoup à l’imagination. La nuit annonce une obscurité que ces mots sans étoiles rendent terrible. (Voyez la note 2 du chant XXI.)

[3] On ne sait où Dante a pris cette histoire des anges neutres qui attendirent l’événement, et voulurent se déclarer pour les heureux.

[4] C’est saint Célestin, cinquième du nom, qui abdiqua la tiare, après neuf mois de siége, s’étant laissé