Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

tacher une à une, jusqu’à ce que l’arbre ait rendu sa dépouille à la terre : ainsi les tristes enfants d’Adam tombaient dans la barque, et traversaient l’onde noire ; mais ils ne touchaient pas encore l’autre bord qu’une seconde foule pressait déjà le rivage.

— Mon fils, dit le poëte, tous ceux qui meurent dans la colère de Dieu se rassemblent ici de toutes les régions, et s’empressent d’arriver au delà du fleuve ; car la rigueur de cette justice qui les poursuit donne à leur effroi l’emportement du désir [9]. Une âme juste ne se montra jamais sur ces rives funestes ; aussi tu vois combien le nocher des Enfers s’irrite de t’y voir.

Comme il parlait, ces noires campagnes s’ébranlèrent si fortement, qu’au souvenir seul j’éprouve encore une sueur glacée : des vents s’échappaient de la terre plaintive, et des éclairs sanglants sillonnaient les ombres.

Je tombai alors sans sentiment, comme un homme enchaîné d’un profond sommeil.