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au milieu des glaçons et des brasiers éternels… Et toi qui oses m’aborder, homme vivant, sépare-toi de l’assemblée des morts. Mais, voyant que je ne m’éloignais pas : C’est par une autre voie, me dit-il, c’est sur d’autres bords et dans une autre barque que tu dois passer le fleuve [8]. »

Alors mon guide prit la parole :

— Vieillard, cesse de t’effaroucher, et ne résiste pas : ainsi le veut celui qui peut tout ce qu’il veut.

À ces mots, le nocher des eaux livides apaisa son visage ombragé de barbe et ses yeux qui roulaient des flammes.

Mais ces malheureuses âmes, dans l’abattement et la nudité, entendant les cruelles paroles du vieillard, changèrent de couleur et grincèrent des dents. Elles blasphémaient Dieu et maudissaient les auteurs de leurs jours et la génération de l’homme ; les temps, les lieux et leurs enfants, et les enfants de leurs enfants.

Ensuite elles descendirent tumultueusement, en élevant de grands cris, sur ce fatal rivage où descendra quiconque n’a pas craint le Dieu des vengeances. Le pilote infernal les rassemble d’un coup d’œil, en agitant ses prunelles embrasées, et frappe avec son aviron celles qui se reposent sur les bancs de sa nacelle. Comme on voit le faucon tomber au cri de l’oiseleur, ou les feuilles d’automne se dé-