Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/58

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comme les flambeaux du ciel, et sa bouche angélique me fit entendre ces paroles, dont la douce harmonie charma mon oreille : « Ô bon génie, fils de Mantoue, dont la gloire vole encore dans le monde, et y sera la compagne des siècles ! j’ai un ami que la fortune ne m’a point donné ; mais il est perdu dans le grand désert, où il lutte contre l’épouvante et la nuit : s’il s’égare plus longtemps, j’aurai trop tard quitté les Cieux pour venir à son aide. Allez à lui, je vous en conjure, et que le charme de votre voix le ramène de ce labyrinthe de la mort ; sauvez-le, et rendez-moi la paix que j’ai perdue. Je suis Béatrix ; c’est ma bouche qui vous implore. Je viens d’un séjour où mes désirs me rappellent, et d’où m’a fait descendre le pur amour : mais bientôt, rendue aux pieds du Roi de la nature, j’élèverai pour vous ma voix reconnaissante. » Elle se tut, et je répondis : « Ô femme, qui brûlez de ce feu divin, par qui seul la race de l’homme a mérité l’empire de son séjour [5] ! croyez qu’il m’est doux de remplir vos désirs, et ne me priez pas lorsque j’obéis avec joie. Mais daignez m’apprendre, fille de la lumière, pourquoi vous n’avez pas craint d’aborder ces cachots ténébreux, et comment vous avez pu quitter des lieux où le bonheur vous rappelle.

— Puisque votre esprit, me dit-elle, ose interroger ces mystères, je vous répondrai brièvement que je n’ai pas redouté l’approche des