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y a de plus spiritueux dans nos aliments, était la part des morts comme celle des dieux. Les âmes à qui on négligeait de faire des sacrifices s’attachaient quelquefois à leurs parents ou à des personnes de leur connaissance, et celui qui était ainsi sucé par un mort dépérissait à vue d’œil.

La croyance d’un purgatoire a bien donné le change à ces idées, en substituant le besoin des prières et des œuvres pies à celui des sacrifices ; mais elles ne laissent pas de subsister parmi le peuple. N’a-t-on pas vu au commencement de ce dix-huitième siècle une bonne partie de l’Europe sucée par des vampires ; et ne continue-t-on pas toujours de porter le dernier repas au convoi d’un mort ? Cette cérémonie et bien d’autres qui se glissèrent autrefois dans notre liturgie, sont comme les médailles du paganisme qu’on retrouve dans les fondations du christianisme.

Toutes ces distinctions, que j’ai tâché d’établir avec quelque clarté, sont un peu confuses chez les anciens : ce sont bien des notions différentes, mais dont les limites ne sont pas bien marquées. Il y a dans la fable autant de législateurs que de poëtes, et il ne faut pas donner un code à l’imagination.