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gile disparaît. C’est la raison qui fuit devant la théologie.

Il est difficile de se figurer qu’on puisse faire un beau poëme avec de telles idées, et ce qui doit nous mettre en garde contre ces sortes d’explications, c’est qu’il n’est rien qu’on ne puisse plier sous l’allégorie avec plus ou moins de bonheur. On n’a qu’à voir celle que Tasse a lui-même trouvée dans sa Jérusalem.

Mais il est temps de nous occuper du poëme de l’Enfer en particulier, de son coloris, de ses beautés et de ses défauts.


Du poëme de l’Enfer. — Au temps où Dante écrivait, la littérature se réduisait en France, comme en Espagne, aux petites poésies des Troubadours. En Italie, on ne faisait rien d’important dans la langue du peuple ; tout s’écrivait en latin. Mais Dante ayant à construire son monde idéal, et voulant peindre pour son siècle et sa nation[1], prit ses matériaux où il les trouva : il fit parler une langue qui avait bégayé jusqu’alors, et les mots extraordinaires qu’il créait au besoin n’ont servi qu’à lui

  1. C’est un des grands défauts du poëme, d’être fait un peu trop pour le moment : de là vient que l’auteur, ne s’attachant qu’à présenter sans cesse les nouvelles tortures qu’il invente, court toujours en avant, et ne fait qu’indiquer les aventures. C’était assez pour son temps, pas assez pour le nôtre.