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auprès de Can de l’Escale, il conserva dans cette cour ses manières républicaines.

Un jour, ce petit souverain lui disait : « Je suis étonné, messer Dante, qu’un homme de votre mérite n’ait point l’art de captiver les cœurs ; tandis que le fou même de ma cour a gagné la bienveillance universelle. — Vous en seriez moins étonné, répondit le poëte, si vous saviez combien ce qu’on nomme amitié et bienveillance dépend de la sympathie et des rapports. »

Les différents ouvrages qui nous restent de lui[1] attestent partout la mâle hardiesse de son génie. On sait avec quelle vigueur il a plaidé la cause des rois contre les papes, dans son Traité de la monarchie, et même dans ses poëmes. On trouve, par exemple, ces vers sur l’union du pouvoir spirituel et temporel, au seizième Chant du Purgatoire :

  De la terre et du ciel les intérêts divers
  Avaient donné longtemps deux chefs à l’univers ;
  Rome alors florissait dans une paix profonde,
  Deux soleils éclairaient cette reine du monde :
  Mais sa gloire a passé quand l’absolu pouvoir
  A mis aux mêmes mains le sceptre et l’encensoir
[2].


Partout ce poëte a heurté les préjugés de

  1. En voici la liste : Canzoni, Sonnetti, Vita nuova, Convivio, Egloche, Epistole, Versi heroici, Allegoria supra Virgilio, de vulgari Eloquentiâ, de Monarchiâ et la divina Comedia.
  2. Il fait ailleurs une vive apostrophe à l’Empe-