Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

a retenti des rugissements de leur désespoir. Une cruelle providence donnait à leur supplice des formes et des lois diverses. Les unes, gisantes et renversées, étaient immobiles : les autres étaient assises et courbées ; enfin beaucoup d’autres couraient éperdues dans ces déserts. Cette troupe errante était la plus nombreuse ; mais celle que le sort avait fixée poussait des cris plus désespérés.

Sur ces plaines sablonneuses, des flammes descendaient lentement en pluie éternelle, ainsi que la neige qu’un ciel tranquille verse à flocons sur les Alpes : ou pareilles à ces feux qu’Alexandre voyait tomber aux rives de l’Indus, et qui s’éteignirent quand la terre, durcie sous les pieds des soldats, ne maria plus ses vapeurs aux influences d’un ciel brûlant [1]. C’est ainsi que la voûte infernale épanche à jamais ses torrents embrasés : le sable qui les reçoit s’en pénètre ; et, s’enflammant comme l’amorce légère, rend tous ces feux aux réprouvés et double ainsi leurs tortures. Consumés, forcenés, transpercés de douleur, ils se roulent et se débattent, repoussant, secouant sans cesse les flèches dévorantes qui se succèdent sans discontinuation [2].

— Ô vous ! dis-je à mon guide, qui n’avez éprouvé d’autre obstacle ici-bas que dans l’obstination des anges rebelles, daignez m’apprendre quelle est cette grande ombre qui semble mépriser ses tourments et dont le