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que des coupables sans nombre sont entassés dans leurs profondeurs. Mais, pour qu’il te suffise ensuite de les juger d’un coup d’œil, connais d’abord et les causes et la nature de leurs peines. Tout crime que le courroux du Ciel poursuit fut toujours une offense commise ou par violence ou par fraude. Mais la fraude étant le vice de l’humaine nature [2], le Ciel voit les perfides d’un œil plus irrité, et les dévoue à des tourments plus rigoureux : l’Enfer entier pèse sur leurs têtes. La violence est punie dans le premier cercle ; et, comme ce crime se montre sous une triple forme, trois donjons se partagent cette première enceinte, car le violent offense son Dieu, son prochain et soi-même, ainsi que tu vas l’entendre [3]. L’homme est coupable envers l’homme, lorsqu’il attente à sa vie, qu’il verse son sang ou qu’il porte la désolation dans ses héritages : aussi les brigands, les incendiaires et les homicides sont tourmentés à jamais dans le premier donjon. Le second recèle ces furieux qui ont levé sur eux-mêmes leur main sanguinaire, lorsque, après avoir dissipé les biens de la vie, ils n’ont pu la supporter. C’est là qu’ils sont condamnés à des regrets sans fruit et sans terme. Enfin le troisième donjon resserre plus étroitement ceux qui ont bravé le Ciel en le provoquant par des blasphèmes, en éteignant sa lumière dans leur cœur, en outrageant la nature et ses