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chant de nous, et notre vue s’éteint dans le présent si de nouveaux morts ne descendent pour nous en instruire. Ainsi, le Ciel ne nous a pas en tout frappés d’aveuglement ; et toutefois ce dernier rayon doit encore s’éclipser quand le présent et l’avenir iront se perdre dans l’éternité [6].

— Maintenant, lui dis-je avec douleur, daignez apprendre à celui qui est tombé à vos côtés que son fils est encore vivant et que le doute où j’étais plongé a seul enchaîné ma langue et retardé ma réponse.

Cependant la voix de mon guide avait frappé mon oreille : je pressai donc avec plus d’instance cet illustre mort de me nommer les compagnons de ses supplices.

— Parmi la foule dont je suis entouré, je te nommerai seulement Frédéric II [7] et le Cardinal [8].

À ces mots, je le vois se replonger dans sa tombe ; et, me rappelant avec effroi la prédiction que je venais d’entendre, je retournai vers mon guide. Il s’approcha et me dit :

— Quel est le trouble où je te vois ?

Je lui répondis sans rien déguiser.

— Eh bien, reprit-il, que ton âme conserve un long souvenir des noirs oracles de cette bouche ennemie, car, ajouta le sage en étendant la main, lorsque tu paraîtras devant celle [9] qui dissipe d’un regard les ombres de