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— Toscan, qui parcours ainsi vivant la cité du feu, daigne t’arrêter devant moi : la douceur de ton langage me frappe et m’apprend que tu es de cette ville célèbre à qui j’ai coûté tant de larmes.

Ces paroles, sortant soudainement du fond d’une tombe, me firent reculer tout ému vers mon guide, qui s’écria :

— Que fais-tu ? Tourne les yeux, et vois Farinat [1], qui se dresse dans son cercueil et le surmonte de la moitié de son corps.

J’avais déjà mes regards sur lui et je le voyais debout, élevant son front superbe comme s’il eût bravé l’Enfer. Alors mon guide me pousse vers lui, à travers les sépulcres, en me disant :

— Va t’éclairer dans son entretien.

Dès que je fus auprès de son tombeau, Farinat jette un coup d’œil sur moi, et s’écrie, d’une voix dédaigneuse :

— Quels furent tes ancêtres ?

Et moi, qui voulais le satisfaire, je ne lui déguisai rien. Aussitôt il fronce le sourcil, lève un moment les yeux et dit :

— Tes aïeux ont été mes cruels ennemis, les ennemis de mes pères et de tous les miens ; aussi nous les avons deux fois dispersés.

— S’ils ont fui devant vous, répondis-je, ils ont su rentrer dans leur patrie, et les vôtres en sont encore exilés.