Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

immobile : nous nous sommes mal vengées de l’audacieux Thésée.

— Détourne les yeux, s’écria mon guide ; si ton regard rencontrait la soeur des Gorgones, tu aurais vu le jour pour la dernière fois.

Lui-même aussitôt, détournant mon visage, jeta ses deux mains sur mes paupières abaissées.

Sages qui m’écoutez, c’est pour vous que la vérité brille dans la nuit de mes chants mystérieux [4].

Cependant un bruit formidable croissait dans l’éloignement ; le Styx s’était ému, et l’onde tournoyante heurtait avec fracas son double rivage. Tel sous un ciel embrasé, l’ouragan bat les forêts mugissantes : d’une aile vigoureuse, il brise et disperse les rameaux antiques ; les fleurs arrachées volent dans ses flancs poudreux : il marche avec orgueil, et chasse devant lui les animaux et l’homme épouvanté.

Alors mon guide, écartant ses mains, me dit :

— Allonge tes regards vers ces lieux où le mélange plus épais de la nuit et de la fumée presse la surface écumeuse.

Je regardai ; et, comme on voit sur les bords des étangs les timides grenouilles se disperser devant la couleuvre ennemie, ainsi je vis la foule des morts se précipiter devant les pas