Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/103

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seils de l’humaine sagesse. Invisible comme le serpent sous l’herbe, elle distribue aux enfants des hommes les fers ou les couronnes ; et les soupirs de l’ambition n’arrivent pas jusqu’à elle. Collègue de l’empire des mondes, elle prévoit, juge et règle à jamais. L’inflexible nécessité, qui la devance, sème les événements devant elle, et sollicite sans relâche son infatigable vicissitude. La voix mensongère des peuples a souvent flétri son nom ; souvent, après des bienfaits, elle a reçu la plainte outrageuse de l’homme : mais heureuse dans sa sphère et sourde à ces vaines clameurs, elle agite sa roue et poursuit au sein des dieux sa paisible éternité [6]. Passons, il est temps, à des scènes plus affligeantes : nos moments sont comptés et déjà l’étoile qui des bords de l’orient éclaira mon départ roule dans les plaines du couchant [7] !

Nous partageâmes alors le cercle vers sa rive opposée, et nous y découvrîmes une source bouillante, dont les flots noirs et brûlants tombent dans un fossé qu’ils ont creusé.

Nous descendions, en suivant la pente obscure et les détours silencieux de ce triste ruisseau qui coule avec lenteur et se jette enfin dans le cinquième cercle, où ses eaux dormantes forment le marais du Styx.

En fixant mes regards attentifs, j’entrevis des ombres nues et forcenées qui agitaient les