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qui déshonora leur vie. Une lutte interminable rapproche et divise à jamais les prodigues et les avares. Ils se présenteront ensemble au grand jour, les premiers avec des cheveux raccourcis, et les derniers tenant encore leurs mains fermées. Les uns ont jeté, les autres ont enfoui le doux présent de la vie ; et ils sont tombés à la fois dans cette arène de douleur, qui, pour frapper tes yeux, n’a pas besoin de mes vains discours. Or, vois, mon fils, quels sont ces biens que la fortune verse dans ses courtes apparitions, et que l’homme poursuit de ses brûlants soupirs ! Tout l’or qu’a vu l’œil du jour, et qui brille encore ici-bas, ne saurait payer le repos d’une seule de ces âmes haletantes.

— Antique sage, lui dis-je alors, quelle est cette fortune que vous avez nommée, qui agite ainsi la balance des maux et des biens ?

— Mortels aveugles, s’écria mon guide, quels nuages l’erreur vous oppose sans cesse ! Écoute-moi, et que ma parole descende dans ton coeur… Celui dont le regard embrasse les mondes, entrelaçant jadis leurs orbes dans les cieux, dit à ses ministres de régler la course des torrents de lumière, et l’harmonie des globes. A sa voix, une divinité puissante vint ici-bas s’asseoir au trône des splendeurs mondaines. C’est elle dont la main promène de peuple en peuple et de race en race la honte ou la gloire, et qui trouble à son gré les con-