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Armand, souriant.

Je n’ai rien à avouer. Irène se soucie de moi comme des brins d’herbe qu’elle a la manie d’arracher au bord du chemin, chaque fois que nous nous promenons, qu’elle tourmente, un peu entre ses doigts et jette ensuite dans la poussière.

Adolphe.

Mais toi ?

Armand.

Bah ! moi, qu’importe ?

Adolphe.

Tu n’es pas indifférent, à ce qu’il me paraît.

Armand.

Oh ! tu aurais tort de penser, mon cher colonel, que je suis désespérément amoureux. Me voilà à un âge où l’on ne se fait plus de gros chagrins pour une amourette manquée, dis ?… je t’accorde qu’Irène est une perle, que l’on n’en rencontre pas de pareilles tous les jours… Pour être franc, je ne jure pas que si j’avais vingt-cinq ans au lieu de trente, que si elle me témoignait un peu d’inclination, je ne serais même assez fou !… mais il y a une telle disproportion d’âge entre nous, et puis — surtout ! — comme je n’ai pas l’honneur de plaire, ma foi, je réussirai à en prendre assez philosophiquement mon parti.