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tre de l’avis du Public. Or nos Auteurs veulent plaire, ils doivent s’aſſujettir à ſon goût : ce n’eſt donc qu’après avoir reconnu ce goût qu’ils ſe permettent de lui donner des piéces qui reſpirent la Vertu.

Le Public applaudit ces piéces, donc il a de goût pour la Vertu, donc les Auteurs font bien & très bien de ſe ſoumettre à ce goût & de recevoir la loi du Public.

Ne craignez point au reſte qu’à l’exemple de Néron nos ſages Magiſtrats faſſent égorger ceux des ſpectateurs qui ne ſe plairont pas à des piéces trop ſages : Cette apoſtrophe au plus affreux des Tyrans ne juſtifie ni vôtre opinion à l’égard de la foibleſſe des loix contre les abus du ſpectacle ni le reproche que vous faites aux Acteurs de l’Opera de Paris, de vous avoir voulu quelque mal.

N’eſt-il pas bien naturel, de ne pas aimer quelqu’un qui fait ce qu’il peut pour avilir nos talens, qui s’efforce ainſi de nous ôter les moyens de ſubſiſter ? Eſt il bien généreux à vous de déprimer des gens qui par leur habileté particuliere ont fait valoir un de vos ouvrages beaucoup plus que vous ne deviez naturellement l’espérer, qui par les charmes de leur action & la délicateſſe de leur chant ont fait monter aux nûes un petit Poëme très froid, une muſique pleine de traits communs, qui peut-être eut été releguée, promptement du Théatre au Pont neuf, ſi les Jeliotte & les Fel n’avoient ſçu les