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preſſions touchantes & de ces traits pénétrans que l’art emprunte d’elle, mais qu’il raſſemble & multiplie pour opérer de plus grands effets. C’eſt ainſi que l’art à force de nous émouvoir établit en nous par l’habitude d’être remués, une dispoſition à l’être plus facilement & quiconque fréquentera les ſpectacles, ne peut qu’accoutumer ſon cœur à ſe laiſſer toucher en faveur des honnêtes gens infortunés, & concevoir une horreur plus forte pour l’injuſtice, la tyrannie & les autres vices qui les perſécutent. Les loix ſelon vous n’ont nul accès au Théatre, & moi, je dis au contraire que ſans le pouvoir des loix nous ſerions encore ſpectateurs de ces profanations où l’indécence & l’impureté s’uniſſoient aux matieres les plus ſaintes & les plus ſublimes. l’Hiſtoire du Théatre François vous prouve que les désordres qui accompagnoient ces repréſentions ont été abolis par les loix de l’Égliſe & par l’autorité des Magiſtrats. Il eſt réſulté du pouvoir des loix que le vice a été contraint d’abandonner la ſcene & que les Auteurs Dramatiques n’ont plus eu de reſſource que d’y faire paroître la Vertu.

Le Public prend aujourd’hui tant de plaiſir à l’y voir que ce ſeroit lui faire une injure grosſiere que de lui remettre ſous les yeux les abſurdités ſaintes & les impudicités que des ſpectateurs imbéciles admiroient jadis de ſi bonne foi. Vous prétendez que les nueés d’Ariſtophane furent cauſe de la mort de Socrate ; ce ne fut cependant que vingt trois ans