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ſi je ſuis obligé d’être méchant, il faut que je les aſſomme. Comment donc faire pour tuer le monde & le laiſſer vivre ?

Le Seigneur.

Vous ſerez généreux & bon, quand on ne vous inſultera pas.

Arlequin.

Je vous entends : il m’eſt deffendu d’être meilleur que les autres ; & ſi je rends le bien pour le mal, je ſerai donc un homme ſans honneur ? Par la mardi la méchanceté n’eſt pas rare, ce n’étoit pas la peine de la recommander tant. Voilà une vilaine invention ! Tenez, accommodons nous plutôt, quand on me dira une groſſe injure, j’en repondrai une autre, ſi je ſuis le plus fort : voulez vous me laiſſer vôtre marchandiſe à ce prix là ? dites moi vôtre dernier mot.

Le Seigneur.

Une injure répondue à une injure ne ſuffit point, cela ne peut ſe laver, s’effacer que par le ſang de vôtre ennemi ou le vôtre.

Arlequin.

Que la tache y reſte ; vous parlez du ſang, comme ſi c’étoit de l’eau de la rivière. Je vous rends vôtre paquet de Nobleſſe, mon honneur n’eſt pas fait pour être noble, il eſt trop raiſonnable pour cela. Bonjour.

Le Seigneur.

Vous n’y ſongez pas.

Arlequin.

Sans complimens reprenez vôtre affaire.