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Ce n’eſt pas cependant que je voye comme vous, des coups de canne bien appliqués à M. de Lauzun par Louis XIV, rien n’étoit plus aiſé à ce grand Monarque que d’en donner ; mais pour inſpirer à ſes peuples le reſpect qu’il éxigeoit d’eux pour la Nobleſſe, il en donnoit l’exemple & ne vouloit pas que ce Corps illuſtre eut à rougir du deshonneur d’un de ſes membres. Le procedé de Louis XIV. eſt donc obſolument le contraire de celui que vous lui reprochez : il enſeignoit par là à tout le monde que la Nobleſſe eſt ſi reſpectable qu’il n’eſt jamais permis qu’aux loix de l’État de la punir de ſes désordres.

Si les cauſes qui occaſionnoient des duels autrefois ſi fréquens, ne ſubſiſtent plus, ſi les hommes ont reconnu qu’ils étoient des fous de s’égorger pour des motifs auſſi puériles, que ceux qui donnoient lieu autrefois à ces fortes de combats, c’eſt un degré de ſageſſe acquis. Vous devriez vous en appercevoir, & ne pas vous élever ſi fort contre ceux qui ſe contentent de ſe battre au premier ſang.

Ce n’eſt pas comme vous le dites, qu’on s’en impoſe la condition ; il n’y a pas un brave homme qui ne crût être taxé de lâcheté, s’il en faiſoit la propoſition ; mais l’humanité & la raiſon ont gagné dans le cœur des braves gens, de leur faire ſentir que la plus grande partie des raiſons pour leſquelles le préjugé leur met l’épée à la main ne demandent pas tout le ſang d’un adverſaire ; & c’eſt par-