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belliſſement des mœurs du Peuple qu’il vouloit corriger, a ſans doute rempli la tâche que la raiſon impoſe aux Philoſophes. Il a ſenti qu’il ne s’agisſoit pas de faire d’autres hommes, mais ſeulement de leur apprendre à tirer de leurs mœurs & de leur génie tous les avantages que la nature y avoit dépoſés & que la raiſon en devoit attendre.

Moliére s’eſt dit à lui même, au moins je me l’imagine, » les François ſont naturellement portés aux plaiſirs : eſt-ce un mal que d’aimer le plaiſir ? Je ne le crois pas, mais c’eſt un mal de prendre la débauche pour le plaiſir ; l’extravangance de nos Marquis, leurs airs évaporés pour une aimable liberté ; la parure exceſſive & ridicule pour le moyen de s’embellir, les pointes, les quolibets, les jeux de mots, les antitéſes pour les plus belles productions de l’esprit. Faiſons leur ſentir combien les objets dans lesquels il font conſiſter les plaiſirs, ſont mépriſables, oppoſons dans mes tableaux des gens raiſonnables à des fous, profitons du penchant de mes ſpectateurs à la volupté pour en faire des Amans tendres, galans, & raiſonnables, ce qui me ſeroit impoſſible s’ils n’avoient aucun goût pour le plaiſir ; ils aiment la ſociété, qu’ils apprennent de moi quels ſont les amuſemens honnêtes qu’ils doivent chercher dans la ſociété : pour leur faire préférer la compagnie des femmes eſtimables, tâchons de leur inſpirer du dégoût & même de l’horreur