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L. H. DANCOURT

ſon ménage, le mari de ſes affaires, n’auront pas beaucoup de tems à donner à l’amour mutuel. Il ſemble que le ſoir, lorſque leurs occupations ſont terminées, eſt le moment où l’attachement réciproque devroit raſſembler les Époux, pour s’amuſer honnêtement avec leur famille ; non pas ſelon vous ; la femme fera bien mieux d’aller chez ſa commere, cenſurer tout ſon voiſinage, médire à plein goſier pour l’édification du prochain & la paix des autres ménages : de peur que la luette ne lui tombe à force de caquet, on lui donnera force Caffé, Thé, Chocolat, Liqueurs fraiches &c. Les hommes iront au Cercle ſe deſſécher les poumons avec la pipe, & boire à la Suiſſe, pour édifier tous les Philoſophes de vôtre goût : édifieront-ils les autres ſages ? J’en doute : car aux yeux de tous ceux-ci & des autres gens du monde, l’ivrognerie a toujours paru un vice atroce & deshonnorant. Ils ont toujours vû juſqu’à préſent dans un ivrogne, un homme dégoûtant & ridicule, à qui l’on doit craindre de donner ſa confiance. Un ivrogne eſt ordinairement brutal imbécille, opiniâtre, hebêté, mauvais Mari, mauvais Pere, négligent, pareſſeux, très peu propre à remplir les devoirs de l’himen, & cette cordialité apparente que vous préconiſez tant, n’eſt qu’une indiſcrétion accidentelle, dont il ſe repent ordinairement le lendemain de ſa débauche.

Tels ſont les plaiſirs que vous préférez cependant au ſpectacle ; la médiſance des fem-