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tion de Zaïre ſans avoir pris pour elle le plus tendre intérêt : c’eſt le tribut que tout cœur vertueux doit paier à la Vertu malheureuſe. Aimer une femme vertueuſe comme Zaïre à l’excès, c’eſt aimer la Vertu comme on doit l’aimer : inſpirer cet amour par ſes ouvrages, c’eſt établir dans tous les cœurs l’amour de la Vertu : le Théatre eſt donc utile & bon par lui même, pour tous ceux qui n’y viendront que dans l’intention d’y puiſer la morale qu’il leur offre. Ceux qui n’y viennent que pour s’y faire voir, que pour y trouver des rendez-vous, que pour donner à l’Aſſemblée l’attention qu’ils devroient à la Piéce, ceux là porteroient les mêmes intentions à l’Égliſe ; ce n’eſt donc pas pour eux que le Théatre eſt fait & la ſcene n’eſt pas plus reſponſable que le Temple des abus qui s’y commettent. Je ne ſuis aſſurément pas fait pour être aimé des Dames, puiſque je remplis dignement du côté de la figure les rôles de feu M. Poiſſon : jugez M. ſi je devrois être l’avocat du beau ſexe ; vous n’êtes peut-être pis plus beau Garçon que moi : ne ſeroit ce point là la cauſe de vôtre mauvaiſe humeur ? Le Renard dédaignoit les beaux raiſins qu’il ne pouvoit atteindre : ſi cela eſt prenez de moi l’exemple de la bonne foi. Vôtre ton cinique ne vous rendra pas plus aimable, au lieu que le mien pourra du moins me faire aimer des Dames qui ne me verront pas & je ſerai content ; quand on n’eſt qu’un Magot, il faut s’en tenir à l’amour Platonique : que ſçais-je ? il