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liére ; or il eſt certain qu’il y en a, & que j’en connois aujourd’hui ; Moliére a donc bien fait de les jouer. Ôtez leur le nom de Miſantropes ſi vous voulez : traitez les de brutaux, le nom n’y fera rien : toujours ſera-t-il vrai qu’il y a dans le monde des Alceſtes & des gens capables de s’attirer une affaire facheuſe pour dire trop durement leur avis & capables de ſe faire haïr par l’apreté de leur morale & la brutalité de leur ſageſſe prétendue.

Il n’y a que vous qui puiſſiez trouver de la grandeur d’ame, à la manière impertinente & groſſiere dont Alceſte traite l’homme au Sonnet ? Cet homme de l’aveu même du Miſantrope eſt homme de mérite ; il parle auſſi bien de ſon cœur que de ſes qualités extérieures : ne peut il donc pas bien paſſer à un auſſi galant homme l’erreur dansl aquelle il eſt, d’avoir fait un bon Sonnet & la foibleſſe qu’il a d’admirer ſes vers, en faveur de toutes les bonnes qualités qu’il lui connoit ? La Vérité eſt elle dont ſi ſévere qu’elle ne permette pas un peu de diſſimulation ſur des bagatelles ; ou ſi elle ne permet pas cette complaiſance, a-t-elle preſcrit de deffendre ſes droits d’une maniere bruſque & impolie ? Alceſte ne pouvoit il pas dire à Oronte avec douceur & politeſſe » M. j’ay le malheur de n’être pas du goût le plus général : peut-être ai-je tort ; mais dès que je veux prononcer ſur un ouvrage d’eſprit, je conſulte avant la nature, & c’eſt en la conſultant que j’ay peine à trouver votre Sonnet admirable & tel qu’un homme