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dans les glaces du Canada ou des terres Auſtrales ; cet Auteur reſpectable dis je, a trouvé de quoi reprendre dans la piéce de George Dandin, ce n’eſt ni l’infortune de celui-ci, ni l’heureuſe méchanceté de ſa femme qu’il a trouvé digne de blâme, c’eſt la caractere de Sotenville : il craint que par ce rôle on n’ait rendu la Nobleſſe rurale ridicule, & qu’on ne l’ait dégoûtée par là du ſejour ſur ſes terres. Il ſe trompe ſelon moi ; le vrai motif de ce degoût eſt l’ambition ou la vanité. Que faire, diſent nos Gentils hommes, à la campagne ? Nos revenus ne nous y feroient briller qu’aux yeux des païſans ; une reſidence trop conſtante nous éloigneroit des occaſions qu’on peut ſaiſir & faire naître en demeurant à la Cour ou dans la Capitale ; allons y donc, affermons nos terres, achetons au prix de la moitié de nôtre revenu le plaiſir de briller dans l’Antichambre du Prince ou dans celle du Miniſtre.

Voilà ſans doute les véritables motifs qui éloignent la Nobleſſe de ſes Châteaux, & non le rôle de Sotenvelle. Ce ne ſont point ces Gentils hommes respectables que des païſans fortunés ſe félicitent d’avoir pour Seigneurs depuis 300 ans,[1] ce n’eſt point cet aimable buveur arbitre équitable & Bachique de tous les différends de ſon Canton que Moliére a joués ; ce ſont ces Gentils hommeaux ridicules qui, le nez collé ſur leurs Titres, croient y trouver des raiſons ſuffiſan-

  1. Voiez L’ami des hommes.