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L'Assemblée nationale,
Réservant dans son intégrité le pouvoir constituant qui lui appartient, mais voulant apporter des améliorations aux attributions des pouvoirs publics,
Décrète :


Article 1er

La loi du 31 août 1871 est modifiée ainsi qu'il suit :

« Le président de la République communique avec l'Assemblée par des messages qui, à l'exception de ceux par lesquels s'ouvrent les sessions, sont lus à la tribune par un ministre.
Néanmoins, il sera entendu par l'Assemblée dans la discussion des lois, lorsqu'il le jugera nécessaire, et après l'avoir informée de son intention par un message.
La discussion à l'occasion de laquelle le président de la République veut prendre la parole est suspendue après la réception du message, et le président sera entendu le lendemain, à moins qu'un vote spécial ne décide qu'il le sera le même jour. La séance est levée après qu'il a été entendu, et la discussion n'est reprise qu'à une séance ultérieure. La délibération a lieu hors la présence du président de la République. »

Article 2

Le président de la République promulgue les lois déclarées urgentes dans les trois jours, et les lois non urgentes dans le mois après le vote de l'Assemblée.

Dans le délai de trois jours, lorsqu'il s'agira d'une loi non soumise à trois lectures, le président de la République aura le droit de demander, par un message motivé, une nouvelle délibération. Pour les lois soumises à la formalité des trois lectures, le président de la République aura le droit, après la seconde, de demander que la mise à l'ordre du jour pour la troisième lecture ne soit fixée qu'après le délai de deux mois.

Article 3

Les dispositions de l'article précédent ne s'appliqueront pas aux actes par lesquels l'Assemblée nationale exercera le pouvoir constituant qu'elle s'est réservé dans le préambule de la présente loi.

Article 4

Les interpellations ne peuvent être adressées qu'aux ministres et non au président de la République. Lorsque les interpellations adressées aux ministres ou les pétitions envoyées à l'Assemblée se rapportent aux affaires extérieures, le président de la République aura le droit d'être entendu.

Lorsque ces interpellations ou ces pétitions auront trait à la politique intérieure, les ministres répondront seuls des actes qui les concernent. Néanmoins, si par une délibération spéciale, communiquée à l'Assemblée avant l'ouverture de la discussion par le vice-président du conseil des ministres, le conseil déclare que les questions soulevées se rattachent à la politique générale du gouvernement et engagent ainsi la responsabilité du président de la République, le président aura le droit d'être entendu dans les formes déterminées par l'article 1er.

Après avoir entendu le vice-président du conseil, l'Assemblée fixe le jour de la discussion.

Article 5

L'Assemblée nationale ne se séparera pas avant d'avoir statué :

  1. sur l'organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif ;
  2. sur la création et les attributions d'une seconde chambre ne devant entrer en fonctions qu'après la séparation de l'Assemblée actuelle ;
  3. sur la loi électorale.

Le gouvernement soumettra à l'Assemblée des projets de loi sur les objets ci-dessus énumérés.


L'ASSEMBLÉE NATIONALE, -Réservant dans son intégrité le pouvoir constituant qui lui appartient, mais voulant apporter des amé- liorations aux attributions des pouvoirs pu- blics, Décrète : Art. 1. La loi du 31 août 1871 est modi- flée ainsi qu'il suit : Le Président de la République communi- que avec l'Assemblée par des messages qui, à l'exception de ceux par lesquels s'ouvrent les sessions, sont lus à la tribune par un ministre. Néanmoins, il sera entendu par l'Assem- blée dans la discussion des lois, lorsqu'il le jugera nécessaire, et après l'avoir informée de son intention par un message. La discussion, à l'occasion de laquelle le Président de la République veut prendre la parole, est suspendue après la réception du message, et le Président sera entendu le lendemain, à moins qu'un vote spécial ne décide qu'il le sera le même jour. La séance est levée après qu'il a été entendu, et la discussion n'est reprise qu'à une séance ulté- rieure. La délibération à lieu hors la pré-semblée se rapporteront aux affaires exté- Chef d'Etat républicain, au moment où il est investi du droit d'arrêter l'effet des résolutions d'une As- semblée souveraine, ne pourrait, sans injustice, se plaindre d'être abaissé. Cette prérogative, dans l'étendue où le projet de loi l'accorde, a paru même excessive à plusieurs de nos collègues. Un amendement de l'honorable M. de Labas- setière proposait de ne l'accorder, au moins pour les lois urgentes, que dans le cas où le Président anrait négligé de se faire entendre dans la première délibé- ration. Un autre, de l'honorable M. Sacaze, proposait que l'Assemblée eût la faculté de la suspendre dans les cas extraordinairés, comme ceux où l'Assemblée aurait pourvu par des résolutions au maintien de ses droits et de sa sûreté propre. Toutes ces propositions pouvaient se défendre par des raisons très légitimes. C'est le désir d'attester à M. le Président que les restrictions imposées à son droit de député ne par- taient d'aucun esprit de défiance qui les a fait écar- ter. Il est du reste demeuré entenda que les résolutions prises par l'Assemblée pour le maintien de ses droits et de sa sûreté étant, non des lois, mais des actes de pouvoir souverain, n'étaient, comme cela a été re- conna formellement en 1848, assujetties à aucune formalité de promulgation. 5. Intervention du Président dans la discus- sion... des lois (art. 1 du projet et de la loi). - Jl ne reste plus pour vous faire entendre l'économie de cette partie du projet de loi qu'à expliquer les dis- tinctions que le projet établit entre le mode d'inter- vention du Président dans la discussion des lois, et celui dont il doit user dans le débat des interpella- Lions et des pétitions politiques. En matière législative, il est entendu toutes les fois qu'il le désire, sous la seule condition de préve- nir l'Assemblée la veille par un message. Il pourra même reparaître plusieurs fois dans le débat s'il lui parait nécessaire de rétablir des faits dénaturés ou des arguments contestés de son premier discours. Aucune difficulté n'a été élevée à cet égard dans la commission, bieu qu'évidemment le désir de la pres- que unanimité de la commission soit que M. le Pré- sident ait recours le plus rarement possible à l'usage et surtout à l'usage réitéré de cette faculté. 6.-... Des interpellations et pétitions politiques (art. 3 du projet, 4 de la loi).-Un plus long et plus sérieux débat a été soulevé à propos des interpellations et pétitions politiques. Il n'en pouvait être autrement, car c'est dans les questions que soulèvent ces inci- dents parlementaires que se dèbat d'ordinaire la ligne politique du Gouvernement. C'est donc là que l'As- semblée, pour pouvoir imprimer à cette ligne la di- rection qui lui convient, doit désirer réserver la plus grande part possible à la responsabilité ministé- rielle; mais c'est là aussi, d'autre part, que le Prési- dent de la République, pouvant trouver, d'un mo- ment à l'antre, sa responsabilité personnelle engagée, peut être le plus jaloux de réserver le droit de se faire entendre. La rédaction que nous vous proposons est le résul- tat d'une transaction offerte par M. le Président et adoptée par la majorité de votre commission, qui croit, là encore, avoir poussé jusqu'à l'extrême limite son désir d'éviter toute occasion de dissentiment. LOIS, DÉCRETS ET ACTES LÉGISLATIFS. | sence du Président de la République (2).. 2. Le Président de la République promul- gue les lois déclarées urgentes dans les trois jours, et les lois non urgentes dans le mois après le vote de l'Assemblée. Dans le délai de trois jours, lorsqu'il le Président de la République aura le droit s'agira d'une loi non soumise à trois lectures, de demander, par un message motivé, une nouvelle délibération. Pour les lois soumises à la formalité des trois lectures, le Président de la République aura le droit, apres la seconde, de demander que la mise à l'ordre du jour pour la troi- sième délibération ne soit fixée qu'après le délai de deux mois (3). 3. Les dispositions de l'article précédent ne s'appliqueront pas aux actes par lesquels l'Assemblée nationale exercera le pouvoir constituant qu'elle s'est réservé dans le préambule de la présente loi (4). 4. Les interpellations ne peuvent être adressées qu'aux ministres, et non au Pré- sident de la République. Ainsi, elle a accordé, non sans l'opposition d'une assez forte minorité, au Président de la République, Lorsque les interpellations adressées aux ministres ou les pétitions envoyées à l'As- le droit d'être entendu quand il le désirerait (toujours avec les formalités convenues) dans les interpellations ou pétitions qui ne porteraient que sur les affaires extérieures. La raison principale qui l'a déterminée à lui laisser cette latitude, c'est que M. le Président de la République est toujours à nos yeux le négocia- teur chargé de racheter la liberté et de réparer les Imalheurs de la France. Cette qualité-là dure en lui, et prime toute autre, tant que le dernier soldat prussien n'a pas quitté le territoire. Jusque-là toute notre politique extérieure est subordonnee à ce point capítal qui reste confié aux soins ardents et dévoués de M. le Président de la République; nous ne voulons pas que rien puisse veuir le géner, de près ou de loin, dans ce qui touche ce précieux intérêt. En matière de politique intérienre, la même raison n'existe pas, et il est clair que si, toutes les fois qu'un ministre est interpellé sur un fait de son administra- tion ou le conseil des ministres tout entier sur un acte de gouvernement, le Président pent venir inter- poser son autorité pour le défendre, l'ombre même de la responsabilité ministérielle a disparu. M. le Président de la République a compris et admis cette distinction, et il est convenu lui-même que son inter- vention devait se borner aux cas où la discussion soulevée engagerait soit la politique générale da Gouvernement, soit sa responsabilite personnelle. Ce principe admis, comment déterminer les cas où l'interpellation, de particulière et personnelle au mi- nistre, devient générale et s'élève jusqu'au Président? Et si aucune règle générale en ce genre n'est possi- ble, à qui remettre au moins l'appréciation de chaque cas particulier? C'est sur quoi plusieurs systèmes différents avaient été proposés, soit par nos honora- bles collègues MM. Bertauld, Delacour et Duchatel, soit, en dehors de la commission, par l'honorable M. Broët. La majorité de votre commission, se conformant en cela à l'amendement de M. Broët, pensait que cette appréciation ne devait appartenir qu'à l'Assemblée elle-même, et qu'un vote de cette Assemblée pouvait seule décider quelle portée elle voulait donner à la question. Sa raison principale était que le Président et ses ministres, n'étant les uns et les autres à des titres divers que des délégués de l'Assemblée, c'é- tait à elle à faire entre eux les parts de responsabilité et à dire sur qui des deux elle voulait faire porter d'abord son examen, pais l'expression soit de son ap- probation, soit de son mécontentement. M. le Président de la République a déclaré ne pou- voir ainsi laisser borner par une autorité étrangère à lui la part qu'il avait à prendre dans la responsabi- lité des affaires publiques. Il a pensé qu'un vote, précédé, peut-être, d'une discussion dans l'Assemblée sur le point préalable, engagerait nécessairement la discussion du fond sans qu'il fut présent pour l'é- clairer. Il nous a proposé de remettre la décision an conseil des ministres tout entier, qui ferait part à l'Assemblée de son avis délibéré. Cet avis, d'après une addition proposée par MM. Sacaze et d'Hausson- ville, devra être communiqué à l'Assemblée par le vice-président du conseil. La majorité de votre commission s'est rangée an désir de M. le Président de la République avec re- gret (du moins chez plusieurs), afin de donner une preuve nouvelle de son esprit de conciliation. Elle a até frappée aussi de cet argument présenté par un de ses membres, que la responsabilité qu'on ne laisserait pas prendre au Président à la tribune, il pourrait " 31 rieures, le Président de la République aura le droit d'être entendu. Lorsque ces interpellations ou ces péti- tions auront trait à la politique intérieure, les ministres répondront seuls des actes qui les concernent. Néanmoins si, par une déli- bération spéciale, communiquée à l'Assem- blée avant l'ouverture de la discussion par le vice-président du conseil des ministres, le conseil déclare que les questions soule- vées se rattachent à la politique générale du Gouvernement et engagent ainsi la respon- sabilité du Président de la République, le Président aura le droit d'être entendu dans les formes déterminées par l'art. 1. Après avoir entendu le vice-président du conseil, l'Assemblée fixe le jour de la discus- sion (5). 5. L'Assemblée nationale ne se séparera pas avant d'avoir statué : 40 Sur l'organisation et le mode de trans- mission des pouvoirs législatif et exécutif; 2 Sur la création et les attributions d'une seconde Chambre ne devant entrer en fonc- tions qu'après la séparation de l'Assemblée actuelle; 30 Sur la loi électorale. toujours la revendiquer par un message écrit, et qu'ainsi le conflit (qu'avant tout nous voulons fair) ne serait pas évité. Une minorité considérable a pourtant maintenu jusqu'au bout l'autre système, et l'amende- ment de M. Broët, reproduit sous une forme plus gé nérale par M. Lucien Brun, et défendu par lui avec une rare vigueur logique, a gardé des partisans nom- breux et convaincus. La délibération du conseil des ministres, qui doit précéder l'entrée du Président à la Chambre, doit avoir lieu, dit l'article, avant l'ouverture de la dis- cassion. Ce point, qui était resté dans l'ombre, a été réglé dans le cours de la discussion par un amende- ment qui n'a paru à personne de ceux qui l'ont voté, contraire à la pensée de M. le Président de la Répu- blique. On a demandé cependant ce qui arriverait si, dans le cours du débat (comme cela s'est vu plus d'une fois), la question, d'abord particulière et limitée, s'étendait et s'élevait jusqu'à toucher des points que le Président aurait le droit de traiter lui-même. Il a été répondu sans hésiter que le président de l'As- semblée était chargé d'empêcher la discussion de s'égarer, et, en ce cas surtout, ne faillirait pas à son devoir. En tout cas, le ministre interpellé à toujours le droit de se refuser à répondre aux questions qui ne lui ont pas été posées d'avance, et de renvoyer ses explications à un débat spécial, fixé à une séance ultérieure. Nous espérons que cette réponse si simple dissipera les ombrages que ce point secondaire avait soulevés.... (1) Dans ce considérant, l'Assemblée renouvelle la déclaration déjà faite par elle dans les considérants qui précèdent la loi du 31 août 1871, portant que le chef du pouvoir exécutif prendra le nom de Prési- dent de la République française (D. P. 71. 2. 148). Il lai a parn nécessaire de faire de nouveau cette de- claration solennelle en face de l'opinion souvent ex- primée devant elle par quelques-uns de ses membres, développée dans des journaux et dans des réunions politiques, opinion qui lui conteste le pouvoir consti- tuant, par cette raison que l'Assemblée n'a été élue que pour conclure la paix et non pour donner une con- stitution à la France. Nous ne pouvons analyser ici la longue et laboriense discussion qui s'est élevée non- seulement sur ce poíat spécial, mais aussi sur la po- litique générale, sur les avantages et les inconvé- nients de la république et de la monarchie. V. à cet égard les séances des 27 févr. au 4 mars 1873 (Journ. off. du 28 févr. au 5 mars). (2) V. Rapport, no 1, 2, 3 et 5. (3) V. ibid., nº 4. (4) Cet article n'existait pas dans le projet de la commission. Lors de la discussion de l'art. 2 M. Randot en a posé le principe, et M. de Belcastel la formulé en un amendement qui, renvoyé à la commission sans opposition de sa part et accepté par le Gouvernement, est devenu l'art. 3 (séances des 6 et 7 mars, Journ. off. des 7 et 8 mars). M. Tolain a demandé si les lois indiquées à l'art. 4 devenu art. 5 doivent être considérées comme con- stitutionnelles; M. le rapporteur a répondu que le caractère de ces lois dépendrait de la déclaration de l'Assemblée (séance du 7 mars, Journ. off. du 8). (5) V. Rapport, n 1, 2, 3 et 6. Digitized by d Google