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Mais le plus grand obstacle, sans contredit, fut l’opposition presque manifeste du P. Yu, ce prêtre chinois envoyé directement en Corée par la Sacrée Congrégation de la Propagande, pour préparer les voies au vicaire apostolique. Il désirait rester seul chargé de la mission de Corée sous la juridiction de l’évêque de Péking, et en conséquence avait projeté d’envoyer en Chine de jeunes Coréens pour y être instruits et promus aux ordres sacrés. Revenus dans leur pays, ils auraient pris soin de la chrétienté, sous sa propre autorité. De cette manière, on pouvait se passer de l’évêque et des missionnaires français. Outre ces vues ambitieuses, le P. Yu avait malheureusement, comme nous le verrons, d’autres motifs pour redouter la présence et la surveillance de l’évêque. Il s’efforça donc de faire goûter son plan aux néophytes coréens, leur représenta sous les plus terribles couleurs les persécutions, les désastres qu’entraînerait infailliblement la présence des Européens dans leur pays, persécutions et désastres qu’il devenait inutile de provoquer, puisqu’on pouvait avoir des prêtres autrement. Ces pauvres chrétiens, épouvantés à la pensée d’un pareil danger, heureux d’ailleurs de posséder enfin un prêtre après l’avoir si longtemps demandé et attendu, entrèrent dans les vues du P. Yu. C’est ce qui explique les formules dilatoires et embarrassées de leurs premières lettres à Mgr Bruguière. Mais bientôt, grâce à l’énergique insistance de ce dernier, la foi l’emporta sur la crainte ; ils entrevirent le péril où ils étaient de désobéir au Souverain Pontife, en refusant le pasteur qu’il leur envoyait, et promirent de venir à la onzième lune de 1835 recevoir leur évêque à la frontière.

Tous les obstacles étaient donc levés, et Mgr Bruguière allait entrer enfin dans cette terre promise où, selon son expression, devaient couler pour lui des torrents de tribulations et de souffrances. Il fit ses adieux au bon M. Mouly, et quitta Sivang le 7 octobre. Mais Dieu, qui n’a besoin de personne pour l’accomplissement de ses desseins, se contente souvent de la bonne volonté des fidèles serviteurs qu’il appelle à l’honneur d’y coopérer. Le courrier qui devait apporter la nouvelle de l’entrée en Corée du vicaire apostolique, apporta en échange la lettre suivante de Mgr Donato, coadjuteur de la mission du Chang-si :


« Au Supérieur du séminaire des Missions-Étrangères.

« Révérend Monsieur : C’est avec la plus vive douleur que je vous annonce la mort de Mgr Barthélémy Bruguière. Parti du séminaire de MM. les lazaristes français, en Tartarie, le